S’inspirer des savoir-faire des teinturiers du passé
Cet ouvrage s’inscrit dans une série intitulée Couleurs d’autrefois pour verdir notre monde, qui réunit un ensemble de Cahiers bilingues à commencer par Les 157 Couleurs de Paul Gout.
L’objectif de cette série est de retracer l’évolution de l’art de la teinture et de la création de couleurs à partir des colorants offerts par la nature, au fil des deux siècles précédant le triomphe des colorants synthétiques dérivés des goudrons de houille puis de pétrole.
L’approche adoptée est de donner la parole à des maîtres-teinturiers du passé ayant pour points communs d’avoir rédigé des livres de recettes détaillées pour toutes les couleurs qu’ils produisaient et surtout, d’être les seuls à en avoir illustré les résultats à l’aide d’échantillons de tissu teints.
La contribution pionnière des auteures de ces Cahiers est d’offrir les outils conceptuels et les moyens pratiques pour se réapproprier leurs connaissances et leur savoir-faire et pour les adapter aux recherches et applications possibles et nécessaires aujourd’hui.
L’art de la teinture selon Antoine Janot
Antoine Janot était un maître-teinturier en grand teint qui a dirigé une importante teinturerie à Saint-Chinian, en Languedoc, durant une grande partie du XVIIIe siècle. Lui et ses ouvriers mettaient en couleurs les milliers de pièces de fin drap de laine produites chaque année par les drapiers de ce centre textile spécialisé dans l’exportation vers les Échelles du Levant.
Les 85 Couleurs d’Antoine Janot exploite l’intégralité des écrits et des échantillons de tissu teints par Antoine Janot. Dans la série des Cahiers, il présente l’état le plus ancien de la teinture naturelle – ce qu’on peut appeler son âge classique. Car l’oeuvre d’Antoine Janot est une extraordinaire illustration des règlements sur la teinture en grand teint, élaborés sous le règne de Louis XIV par ordre de son ministre Jean-Baptiste Colbert : ils continuent à être appliqués strictement du temps de Janot. Mais la gamme de couleurs présentée ici est beaucoup plus large parce qu’Antoine Janot et ses collègues languedociens doivent répondre aux goûts et à l’évolution des modes au sein d’une clientèle particulièrement sensible à la beauté des couleurs, en même temps qu’exigeante sur la qualité des teintures : les élites des divers pays de l’immense Empire ottoman.
La reproduction de chaque couleur à l’exactitude
Du point de vue technique, ce Cahier présente d’une part, sous une forme schématisée, systématique, des recettes précises pour reproduire l’arc-en-ciel des couleurs produites par Antoine Janot et ses ouvriers : les différentes étapes de ses procédés sont clairement distinguées et des proportions d’ingrédients sont fournies par rapport au poids de textile sec à teindre.
La colorimétrie appliquée aux échantillons du XVIIIe siècle
D’autre part, il offre les moyens de vérifier l’exactitude de chaque reproduction. C’est la contribution unique et originale du recours à l’outil colorimétrique, commun à la série des Cahiers. Tous les échantillons ont été mesurés à l’aide d’un spectrophotomètre et les caractéristiques colorimétriques des 85 échantillons de teinture de Janot sont ainsi publiées ici en exclusivité, selon le système international CIE(L*a*b*), proposé en 1976 par la Commission Internationale de l’Éclairage.
Un apport exceptionnel : une même couleur reproduite par différents teinturiers
Sont calculées et publiées également, pour la première fois, les valeurs (DE 2000) des différences de couleurs entre les échantillons de teinture de Janot et des échantillons identifiés par les mêmes noms de couleur mais teints par plusieurs autres teinturiers contemporains, tant languedociens que leurs concurrents londoniens. Ces comparaisons éclairent d’un jour complètement nouveau l’extraordinaire expertise des teinturiers du passé, confrontés au défi de la reproductibilité des teintures issues de colorants naturels.
Des documents d’archives jamais exploités
Du point de vue historique, l’ample recours aux documents d’archives où est conservée l’oeuvre de Janot nous fait suivre au plus près les péripéties de sa carrière professionnelle, ballottée par les successions des enjeux politiques, économiques et sociaux auxquels sont confrontés les maîtres-teinturiers travaillant pour l’exportation des textiles vers le Levant.
Des teintures végétales pour arrêter de détruire notre planète
Dans le contexte actuel de l’urgence d’un changement de paradigme dans nos systèmes de production, particulièrement dans le domaine du textile et des colorants, ce livre est une source d’inspiration et un outil efficace pour l’expérimentation d’alternatives à la pollution massive de nos environnements par les fibres et colorants synthétiques.